Agriculture, l’urgence d’un renouveau.

Depuis quinze ans, l’agriculture Française meurt en silence.

La France vit dans l’idée qu’elle demeure une grande puissance agricole. Pourtant les chiffres sont alarmants. Elle vient de passer en peu de temps du deuxième au sixième rang des puissances agricoles exportatrices dans le monde. Naguère première puissance incontestée en Europe, la France agricole est devancée par l’Allemagne et même les Pays Bas. La production française stagne en volume, alors qu’elle augmente fortement dans le reste de l’Europe. Entre 2011 et 2017, notre excédent commercial agroalimentaire a été divisé par deux. En comme si cela ne suffisait pas, nos agriculteurs, endettés, appauvris, subissent les insultes des idéologues verts adeptes de l’ «agibasching».

« Un pays qui ne peut pas se nourrir ne saurait être un grand pays » cette formule du Général De Gaulle a été la boussole des politiques publiques françaises et européennes pendant près de cinquante ans. Elle semble avoir été oubliées. Des décisions règlementaires malencontreuses, une application idéologique et absurde des normes de production « bio », un manque de compétitivité grandissant déroulent, désormais, le tapis rouge aux importations. La souveraineté alimentaire, fondement de toute indépendance politique, ne sera bientôt plus assurée. L’agriculture française qui avait connu un essor remarquable, est un géant en train de mourir.

La stagnation de la productivité, les revenus en berne des agriculteurs, l’affaiblissement du maillon de production au sein de la chaine de valeur, l’écrasement des marges de l’industrie agroalimentaire victime de la guerre des prix entre les distributeurs, et les pertes de parts de marché à l’exportation tant au sein du marché unique que sur les marchés en croissance des pays tiers sont les signes inquiétants de l’état réel de notre agriculture française.

Il nous faut, d’urgence, renverser la vapeur. La transition environnementale et climatique des filières agricoles françaises a été conçue en chambre, au détriment d’une transition économiquement et socialement crédible. L’efficacité s’est effacée devant la politique de l’instant et les positionnements d’une écologie de salon, à rebours de la science et de l’agronomie. Elle s’est aussi heurtée à des reculades : l’usage des phytosanitaires est l’illustration de cette politique de gribouille. Les effets d’annonce l’ont emporté sur la réelle volonté d’accompagner l’agriculture française dans sa transition économique, écologique et numérique au sein des filières et au cœur des territoires. Ils se sont traduits non seulement par des normes, des charges et des contrôles, mais également par une instabilité et une surenchère réglementaire. Cette politique a eu pour conséquence des contraintes nationales dégradant les conditions de concurrence de l’agriculture française au sein de l’Union européenne et sur les marchés mondiaux. Les consommateurs français mangent de plus en plus des produits bio issus de l’importation. Nos agriculteurs exportent de moins en moins.

L’agriculture française a pourtant des atouts immenses : la géographie, le savoir-faire, la force des marques. La réussite de l’agriculture française et européenne pendant près de cinquante ans a été le résultat du travail des hommes et des femmes de la terre et d’un pacte avec la société : ce pacte doit être renouvelé. Il nous appartient de tourner la page de dix années perdues et de donner à l’agriculture un nouveau souffle. L’agriculture doit remplir une triple mission : nourrir nos concitoyens, participer à la neutralité carbone de notre économie à horizon 2050 et répondre aux attentes de la société. Ce nouveau souffle doit se fonder sur l’ambition affirmée que la France redevienne la première puissance agricole européenne d’ici à dix ans. Faire ce choix, ce n’est pas seulement faire celui du secteur primaire de notre économie ou celui des agriculteurs ; c’est faire le choix de notre souveraineté et de notre puissance. Faire ce choix ce n’est pas faire le choix du passé nostalgique de nos campagnes, c’est faire le choix de l’avenir : notre sécurité alimentaire est récente et ne l’oublions pas réversible.

Une stratégie agricole française renouvelée doit promouvoir la production durable de produits alimentaires de qualité abordables pour tous et accompagner des agricultures porteuses d’aménagement et de développement des territoires ruraux. Elle ne doit délaisser aucun segment de marché ou secteurs. Elle doit clairement refuser la mise en place d’une alimentation duale en fonction du niveau de revenus. Une telle évolution conduirait inexorablement à une vision étriquée de l’agriculture française recentrée sur le haut de gamme, à un recours massif aux importations pour les produits à bas prix et à un déclin accéléré de notre agriculture qui est forte de sa diversité.

Une stratégie agricole française renouvelée doit promouvoir une transition écologique crédible pour tous en refusant la décroissance comme seul horizon. Elle doit réhabiliter les agriculteurs en tant qu’entrepreneurs en plaçant le principe d’innovation en son cœur et reconnaitre le rôle de l’agriculture comme force de solutions face aux enjeux environnementaux, climatiques et sociétaux de notre temps. Toutes nos filières de productions doivent pouvoir avoir les moyens d’opérer cette transition vers la « décarbonation » de notre agriculture. Les agriculteurs ne peuvent supporter seuls le poids cette transition environnementale et climatique sans contrepartie. L’Etat doit pouvoir les accompagner au niveau nécessaire, au-delà des possibilités aujourd’hui ouvertes par la PAC dont la dernière réforme ne doit avoir pour conséquence ni la baisse de notre souveraineté alimentaire, française ou européenne, ni la baisse du revenu des agriculteurs.

Une stratégie agricole française renouvelée doit également assumer le principe de concurrence équitable pour les agriculteurs français et européens. Elle doit se traduire par la mise en place d’une véritable réciprocité des normes entre les produits importés et la production européenne. Elle doit également assumer de revisiter notre corpus de règles nationales avec l’exigence d’assurer un équilibre coûts-bénéfices et une absence de distorsions de concurrence au sein du marché unique européen.

Cette ambition collective partagée doit être au cœur d’un nouveau contrat entre la société française et ses agriculteurs. Ce projet d’avenir français doit être porté par une France qui reprend toute sa place au niveau européen et défend en Europe une stratégie agricole offensive, loin du laisser-aller de ces dernières années.

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