Il faut un électrochoc d’autorité pour protéger les Français.

Il faut un électrochoc d’autorité pour protéger chaque citoyen, sanctionner rapidement dès le premier délit, faire appliquer les peines et faire respecter les forces de l’ordre. Il ne peut pas y avoir d’impunité.

ENTRETIEN – Le candidat à la présidentielle dévoile les grandes lignes de son projet pour renforcer la sécurité et la justice en France, dont la création d’un ministère dédié.

Michel Barnier, ancien ministre, est membre des Républicains et candidat à la présidence de la République.

LE FIGARO. – Quel est votre constat concernant l’insécurité en France?

Michel BARNIER. – C’est le principal échec de ce quinquennat. L’insécurité ne s’est pas développée seulement à Marseille, on la retrouve partout, y compris dans les communes rurales. Malheureusement, les chiffres parlent d’eux-mêmes. C’est un tableau que Gérard Collomb, ex-ministre de l’Intérieur, avait très bien décrit en quittant ses fonctions.

«Dans de nombreux quartiers, c’est la loi du plus fort qui s’impose, celle des narcotrafiquants et des islamistes radicaux qui a pris la place de la République. Aujourd’hui, disait-il, nous vivons côte à côte et je crains que demain nous ne vivions face à face.» Je peux faire mien ce constat. Deux ministres de l’Intérieur plus tard, rien n’a changé. Le rétablissement de l’autorité publique et la sécurité des citoyens sont les conditions préalables pour rétablir la stabilité de notre pays, une plus grande sérénité, et restaurer la cohésion nationale.

Le gouvernement n’a-t-il rien fait depuis cinq ans?

Ce qui a été fait est très insuffisant. Les procédures restent interminables et les délais de jugement s’allongent encore. J’ajoute que l’islamisme radical et ses menaces progressent, avec des actes d’une barbarie inouïe: plus de 270 victimes depuis 2012, le retour de djihadistes non incarcérés et parfois même pas suivis, des milliers d’individus inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.

Comment expliquez-vous de tels résultats?

Ces chiffres contiennent une partie de la réponse puisque réduire la délinquance suppose d’assurer l’exécution des peines, de diminuer les délais de procédures, d’incarcérer ou de renvoyer dans leur pays ceux qui doivent l’être. C’est parce que l’on manque de fermeté dans la sanction et que l’on fait preuve de faiblesse sur le plan pénal que les phénomènes s’aggravent. Et de tout cela naît un insupportable sentiment d’impunité. Ce diagnostic, à quelques chiffres près, aurait pu et dû être fait il y a cinq ans. En fin de quinquennat, le président sortant multiplie les Beauvau, les Grenelle, les Ségur, mais nous sommes à l’heure des bilans!

Pourtant, ce pouvoir se défend de toute faiblesse, à l’image de l’échange houleux observé cette semaine au Sénat entre le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti et le sénateur Philippe Bas…

Je vois bien cette forme d’agressivité défensive mais ce qui compte, c’est la cruelle vérité du constat. C’est très bien que le président de la République soit allé à Marseille pour annoncer son programme pour les cinq ou dix ans qui viennent. J’aurais trouvé plus honnête qu’il y vienne pour faire le bilan de quatre années de travail, mais ce n’est pas ce qu’il a fait. Quand Jean-Louis Borloo lui a proposé une solution globale pour les quartiers, il l’a rejetée, et sans ménagement. Objectivement, la situation est grave et c’est l’une des raisons pour lesquelles les Français n’ont pas le moral. Moi, je veux être le président de la réconciliation, ce qui exige de traiter cette question sérieusement et dans la durée.

Comment vous y prendriez-vous pour restaurer la confiance?

Il faut un électrochoc d’autorité pour protéger chaque citoyen, sanctionner rapidement dès le premier délit, faire appliquer les peines et faire respecter les forces de l’ordre. Il ne peut pas y avoir d’impunité. Pour marquer cet électrochoc, l’organisation du gouvernement devra l’exprimer. Je rappelle qu’il y a eu trois ministres de l’Intérieur en quatre ans! Je veux créer un ministère de la sécurité publique ayant autorité sur la police, la gendarmerie et l’administration pénitentiaire.

Comptez-vous augmenter les moyens de la sécurité et de la justice?

Pour répondre à ce besoin immédiat, nous ferons, pour la première fois, une grande loi d’orientation et de programmation police-justice sur le quinquennat. Cela nous permettra de mieux organiser la sécurité et de lui donner de nouveaux et puissants moyens. Les forces de police doivent être mobilisées sur le terrain, ce qui implique la réduction d’un certain nombre de tâches non prioritaires comme les escortes, les gardes statiques, les extractions et surtout tout le travail administratif qui encombre les commissariats. Je veux plus de policiers dans les rues, moins dans les bureaux.

La police et la gendarmerie devront être organisées en fonction des bassins de délinquance, pour coller à la réalité. Et il faut radicalement simplifier le code de procédure pénale pour faciliter les enquêtes. Au-delà de la police et de la gendarmerie, nous encouragerons les polices municipales qui devront être armées et assurer la standardisation des équipements, y compris des drones. Je veux également moderniser les bâtiments, les véhicules, et doter nos forces de sécurité de tous les nouveaux outils technologiques. Si nous voulons une justice plus rapide, cela passe par des recrutements de magistrats, au rythme de 250 postes supplémentaires par an, soit un doublement. Je veux aussi réformer leur recrutement. Pour avoir une réponse pénale qui fonctionne, il nous faut une magistrature plus nombreuse et encore plus expérimentée.

La surpopulation carcérale n’est-elle pas un obstacle?

Une justice qui sanctionne tous les délits, cela veut dire aussi une capacité pour les prisons de faire face. Il faut donc plus de places de prison. Le président de la République sortant en avait promis 15.000. Cet engagement n’a pas été tenu. 2000 seulement ont été ouvertes, 650 sont en cours de réalisation. Nous devrions envisager au moins 20.000 nouvelles places de prison en cinq ans, avec des établissements pénitentiaires adaptés pour ne pas mettre ensemble des primo-délinquants avec des courts séjours ou des radicalisés.

Puis il faut également augmenter les places dans les centres éducatifs fermés. Il en existait cinquante avant 2017, le président sortant en avait promis vingt de plus qui n’ont pas été réalisés, mais je pense qu’il faudrait les multiplier par quatre, soit au moins deux par département. Enfin, nous créerons un parquet national antidrogue pour s’attaquer de manière impitoyable aux trafics et aux réseaux internationaux. Je veux aussi rétablir la double peine, appliquer les reconduites à la frontière et expulser les immigrés illégaux comme les étrangers condamnés à la prison ferme: ils représentent aujourd’hui 23 % des détenus.

Comment traitez-vous la dimension sociale du trafic de drogue, devenu une économie parallèle?

La drogue est un poison pour la santé individuelle. Elle l’est aussi pour la sécurité publique. Il faut casser l’économie de la drogue avec une vraie culture de la répression et des sanctions les plus fermes. La méthode que je préconise pour renforcer la coopération avec les pays étrangers doit s’appliquer dans le cadre d’un dialogue avec les pays d’Afrique du Nord où seront en balance les crédits de codéveloppement et de coopération, la gestion des titres de séjour ou de visas et les procédures de réadmission.

Au-delà des fermetures de lieux de culte radicalisés et de la charte de l’islam de France engagées par le gouvernement, comment mèneriez-vous la lutte contre l’islamisme radical?

Cette charte est un travail utile mais très insuffisant. Nous devrons aussi expulser tous les étrangers représentant une menace grave pour l’ordre public, y compris ceux qui ont des attaches familiales en France, et évincer les personnes en voie de radicalisation qui travaillent dans les services publics. Pour consolider ces outils, je ferai mienne une proposition de Philippe Bas, sénateur très compétent et raisonnable, qui propose d’inscrire un principe nouveau dans l’article 1 de la Constitution: «Nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer de la règle commune.»

Vous avez imaginé la création d’une incitation à l’engagement citoyen. De quoi s’agit-il?

Je veux une répression efficace, mais l’éducation tient aussi une place centrale. J’ai l’intention de proposer un parcours d’engagement citoyen obligatoire pour tous, une semaine par an, depuis le collège et au lycée, avant une troisième phase, volontaire, qui incitera les étudiants et les jeunes actifs à donner de leur temps. Je suis convaincu que les jeunes Français ont envie de participer à la France.

N’est-il pas trop tard pour redresser la situation, comme certains le disent parfois?

Il est tard, mais il n’est jamais trop tard. Si un homme politique croit qu’il est trop tard, s’il conjugue la France seulement au passé, il faut lui dire de ne pas se présenter à une élection.

Que vous inspire le phénomène Zemmour?

Le reproche que je fais à Éric Zemmour porte sur son discours fataliste et pessimiste. La France n’est pas foutue. Il y a beaucoup de problèmes mais, les problèmes, il faut les résoudre! Renforcer et durcir les divisions, ce n’est pas la réponse! Moi, je veux résoudre les problèmes pour réunir. Le politique n’a pas le droit d’être fataliste. Et finalement, une seule question reste posée: qui est crédible pour assumer la présidence de la République française? Je fais des propositions sérieuses et lourdes de conséquences sur l’immigration parce que j’ai l’avantage d’avoir eu à gérer le Brexit et je ne veux pas que cela se reproduise. Les extrémistes sont toujours plus forts quand les autres sont faibles. Non, il ne faut pas être faible, mais il faut être crédible.

Quel lien faites-vous entre immigration et sécurité?

Il ne faut pas se voiler la face sur la surdélinquance étrangère. Dans nos prisons, environ un quart des prisonniers sont des étrangers. Ce n’est pas acceptable: rester en France suppose de respecter ses lois, il faut que cela soit très clair. Mais il ne saurait être question de transformer tous les étrangers en délinquants, parce que cela est faux et qu’il serait très dangereux de le faire.

Concernant la droite, Xavier Bertrand continue de penser que les autres candidats devraient se rassembler derrière lui mais la compétition vous semble inéluctable. Comment les choses peuvent-elles évoluer?

C’est à lui d’apporter une réponse. Les choses sont très claires: celles et ceux qui veulent proposer leur candidature pour porter le projet des Républicains et qui ont besoin de leur soutien doivent respecter la règle. C’est aussi simple que cela. Sinon, il y a un problème de loyauté et de confiance. Je n’imagine pas Xavier Bertrand prendre le risque d’y aller seul. Chacun a un devoir de responsabilité. On ne nous pardonnera pas de ne pas répondre à cette attente.

Vous êtes toujours troisième dans les sondages. Qu’est-ce qui vous permet de croire que les choses peuvent changer?

Je sens un indiscutable mouvement et un vrai espoir au sein de notre famille politique, dans nos contacts quotidiens sur le terrain, chez les parlementaires qui nous rejoignent, les élus, les militants… Le candidat que j’espère être devra tendre la main à la famille centriste et, ensuite, convaincre les Français.

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